Le 28 janvier, le quotidien l'Alsace publiait un article sur le lâcher de 10000 perdrix rouges par la Fédération des chasseurs haut-rhinois dans le sud de la région. La LPO Alsace a été fortement interpellée par une telle opération, et a fait part de ses inquiétudes via un communiqué de presse qu'elle a envoyé au journal.

 

 

« La petite faune de plaine a disparu au gré des refontes foncières et des extensions urbaines… Â». Le constat fait par la fédération des chasseurs est largement partagé par les associations de protection de la nature en général et par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) en particulier, pour lesquelles les raisons de ces baisses d’effectifs sont bien identifiées : la perte des sites de nourrissage et de reproduction. Avec leurs partenaires, elles se battent depuis des dizaines d’années en faveur de la biodiversité (rappelons que la première association de protection des oiseaux en Alsace a été créée en 1957), via des programmes de préservation et de création des habitats naturels (plantation de haies, création de mares, installation de vergers traditionnels, maintien de zones de quiétude, protection des milieux humides…), clé de voûte pour le maintien de la faune et de la flore locales. Toute action conjointe dans ce sens est bien sûr la bienvenue.

La perdrix grise s'épanouit naturellement en Alsace - Photo Laurent WaefflerLa perdrix grise s'épanouit naturellement en Alsace - Photo Laurent Waeffler

 

En revanche, la LPO ne peut s’associer à la volonté des chasseurs de remplacer la faune locale par des oiseaux exogènes (vivant dans d’autres régions ou pays). C’est le cas du lâcher de perdrix rouges en cours par la Fédération des Chasseurs du Haut-Rhin. En l’occurrence les perdrix rouges font partie des espèces thermophiles (qui aiment la chaleur et le soleil), totalement inadaptées au climat alsacien. En outre, leurs conditions d’élevage, qui les ont imprégnées de la présence de l’homme, les rendent nécessairement fragiles à une vie dans un milieu sauvage, et attrayantes pour les prédateurs naturels locaux. Ces derniers (rapaces, renards…) risquent d’être d’ailleurs d’être pointés comme étant à l’origine de leur diminution et servir de boucs émissaires, alors que le véritable problème reste bien l’introduction d’espèces non adaptées. Sur les 10 000 individus venus dans des cartons d’Espagne et en train d’être relâchés depuis le 28 janvier, quel faible pourcentage réussira-t-il à survivre ?

 

Au-delà de cet aspect, la LPO s’inquiète également de ce lâcher massif en raison des conséquences néfastes potentielles sur les écosystèmes locaux. L’introduction (il ne s’agit pas là d’une réintroduction, la limite de répartition de la perdrix rouge n’ayant jamais dépassé le nord de la Loire) d’une espèce exogène, sans aucune étude d’impact préalable, qu’elle soit animale ou florale, est en effet toujours source de risques possibles.

 

Ajoutons à cette problématique le danger d’un risque sanitaire ; l’épisode récent de la grippe aviaire qui s’est développée justement au sein d’élevages de grande taille et dans des conditions de détention non contrôlées, devrait rester dans les mémoires…

 

Enfin, la différence de positions politiques adoptées dans les deux départements alsaciens ne peut laisser indifférent. Alors que le préfet du Bas-Rhin régit strictement toute introduction d’animaux dans la nature, celui du Haut-Rhin n’affiche aucune restriction. Dans le 67 sont ainsi interdits, et ce Ã  minima jusqu’en 2018, tous relâchers d’espèces exogènes, y compris les perdrix rouges. Les relâchers d’espèces locales, qui doivent nécessairement être issues de souches sauvages, sont limités aux seuls canards colverts, faisans de Colchide et perdrix grises, avec des périodes de lâchers réduites à 6 mois (pour les deux dernières espèces), entre le 1er juillet et le 31 décembre.

 

Pourquoi une telle différence entre les deux départements ?

 

Axons de préférence tous nos efforts pour la protection des espèces menacées encore présentes et de leurs milieux naturels, à l’échelle de la région, plutôt que d’introduire des espèces exogènes… Le travail ne manque pas !


En médaillon : perdrix rouge - Photo Marc Solari