Les dossiers nature
Plan d’eau de Plobsheim : quelle place pour les oiseaux ?
Un site majeur pour les oiseaux
Réalisé par EDF dans le cadre des travaux d'aménagement du Rhin, ce bassin de compensation a été mis en eau en 1970.
Rapidement, ce plan d'eau est devenu un site majeur pour les oiseaux d’eau en Alsace ; son intérêt pour l'avifaune se vérifie tout au long de l'année, même si c'est en hiver qu'il est le plus criant : en moyenne, 8 000 canards et autres oiseaux aquatiques y passent la mauvaise saison. Leur nombre peut dépasser les 15 000 individus lors d’hivers rigoureux. Le plan d’eau est également un site important pour la nidification et l’estivage ainsi que pour la migration de diverses espèces.
Un tel site fait évidemment le bonheur des ornithologues : leurs rapports d’observation concernant ce plan d'eau sont quasi-quotidiens à certaines périodes de l’année, et chacun d’eux apporte son lot d’espèces rares ou remarquables.
Arrêté préfectoral
Ce plan d’eau de 655 ha suscite également l’intérêt de multiples usagers (amateurs de voile, véliplanchistes, kayakistes, pêcheurs ...), avec quelques tensions à la clé. Afin de préserver la quiétude des oiseaux, surtout en période d’hivernage, le Préfet a mis en place le 20 décembre 1990 un APB (Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope), réglementant la fréquentation du plan d’eau.
Suite au recours d’une association de véliplanchistes, un nouvel arrêté a été pris le 5 février 1998.
Voir le texte de l'APB du 5/2/98.
Le plan d’eau est désormais subdivisé en trois zones, matérialisées par des bouées, avec pour chacune une réglementation spécifique :
- dans la partie nord, la navigation de plaisance est autorisée toute l’année,
- dans la partie centrale, la navigation de plaisance est interdite du 15 novembre au 15 mars, et autorisée du 16 mars au 14 novembre,
- dans la partie sud, la navigation est interdite toute l’année.
- la navigation des barques de pêche munies de moteurs électriques est autorisée toute l’année sur l’ensemble du plan d’eau.
- la navigation des bateaux munis de moteurs thermiques est interdite toute l’année sur l’ensemble du plan d’eau.
La LPO Alsace active au sein du comité consultatif
Régulièrement, un comité consultatif, au sein duquel la LPO Alsace est très active, se réunit à l’initiative du Sous-préfet pour examiner les questions relatives à cet APB, telles que :
- respect de la régementation et surveillance du site,
- installation de panneaux signalétiques,
- nettoyage des abords du site et problèmes d'eutrophisation,
- gestion de la fréquentation par les embarcations et de leur mise à l'eau (points d'accès autorisés),
- projet d'aménagements du "Tournant du Rhin"
- présentation annuelle des espèces d’oiseaux présentes et de leurs effectifs.
Le projet du "Tournant du Rhin"
Le Conseil Général du Bas-Rhin (CG67), concessionnaire des berges du plan d'eau depuis 1974 avait réalisé certains équipements qui se sont progressivement dégradés. Il a donc décidé de procéder à une remise en état de ces équipements et à des réaménagements significatifs pour développer l'accueil du public et l'offre de loisirs. Une réflexion a été engagée à partir de 2007 pour la réalisation d’un projet global, appelé projet du « Tournant du Rhin », associant les aspects touristiques, culturels, ludiques, sportifs et écologiques. Le CG67 ambitionne une démarche de « développement durable exemplaire ».
Les associations de protection de la nature, dont la LPO, ont demandé à être associées aux réflexions en cours. Elles veilleront à ce que les actes soient en conformité avec les ambitions affichées. Il faudra porter une attention particulière à ce que les projets de développement des activités de loisirs, qu’ils soient sportifs ou non, ne se fassent au détriment des intérêts environnementaux du site. Les premiers scenarii d’aménagements présentés par le CG67 envisageaient pêle-mêle piscine flottante, mise en place d’accès pour la planche à voile et la pêche, et développement de nouvelles activités telles que kite-surf et aviron... Il s’agit cependant à ce stade de pistes de réflexions, et rien n’est encore décidé.
La nécessité de porter des efforts particuliers à la partie sud, la plus préservée actuellement, mais aussi la plus fragile en raison de sa surface réduite, semble acquise par tous. La mise en place d’actions améliorant les potentialités de cette partie semble envisageable (renaturation de parties de berges dégradées, création de vasières, radeaux à sternes...), de même que des aménagements destinés à canaliser les visiteurs (cheminement avec accès en épis à partir des digues, huttes d’observation intégrées dans le paysage...). L’intérêt pour l’environnement des autres parties du plan d’eau (partie centrale et partie nord) semble parfois moins évident à nos interlocuteurs, en raison notamment de l’aspect artificiel que leur confèrent les berges bétonnées qui prédominent dans ces secteurs. Leur vocation pour les activités de loisirs peut donc parfois sembler aller de soi. C’est oublier que l’ensemble du plan d’eau est utilisé par les oiseaux d’eau, plus particulièrement en hiver : les 160 ha de la partie sud ne sauraient suffire à nourrir et à procurer le gîte à près de 10.000 oiseaux ; une population d’une telle importance a besoin de la totalité du site, soit 660 ha, pour assurer ses besoins vitaux.
C’est le message que la LPO s’emploiera à faire passer auprès de ses interlocuteurs, en s’appuyant pour cela sur les différentes réglementations ou engagements internationaux reconnaissant la valeur de ce site pour l’avifaune, et instituant l’obligation de le préserver (Natura 2000, Ramsar, APB...).
Parmi les autres projets engagés par le CG67, signalons la construction d’un restaurant servant des repas bio en lieu et place d’un autre établissement qui s’était délabré au fil du temps, la réhabilitation d’un bâtiment qui sera utilisé pour des actions de sensibilisation à l’environnement, la mise en place d’expositions, etc...
Plus d’infos sur le site internet du CG67 (cf plus particulièrement les documents à télécharger en bas de page du site du CG67).
L’énergie éolienne en Alsace
Petit guide de bonne conduite pour l’installation d’éoliennes en Alsace.
L’Alsace n’est pas une région très ventée, néanmoins un certain nombre de secteurs sont propices à l’installation d’éoliennes, en particulier la crête des Vosges et l’Alsace Bossue. Plusieurs projets ont vu le jour, notamment au Bonhomme, à Grendelbruch, à Saales et à Dehlingen. L’énergie produite par les éoliennes est une énergie « propre » et renouvelable et est donc soutenue par les associations de protection de l’environnement dont la LPO.
Les parcs éoliens sont cependant des installations industrielles qui peuvent avoir un impact important sur l’environnement et sur les oiseaux, comme l'ont montré de nombreuses études pour la plupart étrangères. Les projets d'implantation doivent évidemment tenir compte de ces impacts qui dépendent de la richesse biologique et de la sensibilité des secteurs pouvant potentiellement être équipés.
Les éoliennes sont-elles de véritables « hachoirs à oiseaux » ? Quels sont les dérangements et la mortalité qu'elles provoquent ? La LPO Alsace a eu l’occasion de présenter sa position au comité régional de pilotage « éolien ».
DĂ©rangement
Le phénomène de dérangement est lié à la construction, au fonctionnement et à la maintenance des éoliennes.
L’emprise au sol d’une éolienne est d’environ 15 m2 (lorsque les fondations sont enterrées). Pour une ferme éolienne moyenne de 12 MW, l’emprise est donc de 150 m2 environ, sans compter celle des chemins d'accès souvent plus importante que celle des éoliennes elles-même. Plusieurs études européennes ont montré que la zone de 600 m autour des éoliennes était moins fréquentée qu’auparavant par certaines espèces, ce qui correspond à une perte d'habitat. Sur des sites d’hivernage d’oiseaux migrateurs, l’installation d’un parc éolien peut affecter sérieusement le fonctionnement écologique du site et de facto diminuer considérablement son intérêt pour l’avifaune.
De plus un parc éolien peut faire barrière aux mouvements entre une zone d’alimentation et une zone de reposoir: un groupe d'éoliennes installées dans un habitat naturel peu perturbé aura plus d'impact qu'un parc disposé en ligne, le long d’une route déjà facteur de perte d’habitats.
Par contre, à l’approche des éoliennes, la majorité des « grands voiliers », c'est-à -dire les espèces d’oiseaux à priori les plus sensibles, corrigent leur trajectoire en fonction de la topographie des lieux, de la force et la direction du vent. Dans les 2/3 des cas, cette rectification a lieu à 500 m et plus des éoliennes
Mortalité
La grande majorité des études a montré un très faible taux de collision, sauf dans le cas de parcs éoliens très denses construits sur des zones particulièrement sensibles (couloirs de migration, zones d’hivernage ou de nidification…).
Même si la mortalité sous les éoliennes semble faible au regard des impacts existants pour d’autres infrastructures (collisions avec les lignes électriques, véhicules, surfaces vitrées et ponts éclairés la nuit…) elle n’en constitue pas moins un risque supplémentaire. Il faut donc étudier l’ensemble des infrastructures avoisinantes et tenir compte des effets cumulatifs.
Le choix du site d’implantation est donc déterminant. Il doit se faire à une échelle territoriale cohérente et avec l’aide d’experts. La réalisation de schémas territoriaux éoliens est recommandée : l’élaboration en Alsace d’un schéma régional éolien, sous l’égide du Conseil Régional qui a mis en place pour cela un comité régional de pilotage « éolien », va dans ce sens.
La conception d’un projet éolien
La LPO préconise d’agir comme suit :
- La consultation des associations naturalistes locales est indispensable : elles détiennent souvent des données étalées sur plusieurs années.
- Avant la réalisation de toute étude d’impact, il faut procéder à un pré-diagnostic, procédure légère permettant de faire un bilan des impacts potentiellement connus, et permettant de préciser les zones à étudier de manière plus détaillée.
- Les études d’impact doivent être professionnelles et complètes. Les expertises ornithologiques doivent se faire au minimum sur une année pour qu’un cycle biologique complet soit étudié.
- La définition des zones d’étude doit permettre d’appréhender avec précision les enjeux sur le site et d’évaluer l’intégration environnementale du parc sur l’ensemble du territoire directement ou indirectement affecté.
- L’étude doit montrer si le projet risque de produire des impacts négatifs sur la faune et sur la flore et notamment les populations d’oiseaux, et, s’ils existent, proposer des mesures de compensation, de suppression et/ou de réduction pertinente. Ces mesures compensatoires doivent faire l’objet d’une étude de faisabilité technico-financière et demeurer à la charge du porteur du projet.
- Les effets induits doivent être limités au strict minimum : par exemple, il faut utiliser le plus possible les voiries existantes pour l’installation des éoliennes, proscrire une exploitation touristique motorisée pour l’accès aux sites isolés, accès qui doit rester limité aux seuls besoins de l’exploitation.
Précisons pour terminer que la LPO suit ce dossier en étroite collaboration avec les autres associations, notamment Alsace Nature. Avec notre fédération régionale, nous demandons que les sites soient suivis, en ce qui concerne leur impact sur la faune notamment, durant une période de trois ans après la mise en service des éoliennes ; nous demandons également une pérennisation du comité de pilotage « éolien », sous forme d’un comité de suivi.
L’ensemble des associations attache également une grande importance à l’intégration paysagère des éoliennes.
En guise de conclusion, nous pouvons résumer notre position ainsi : « Oui aux éoliennes en Alsace, mais pas n’importe où, ni n’importe comment ! »