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Grâce aux actions de la LPO Alsace et du GEPMA, le blaireau a été retiré en 2003 de la liste des espèces chassables dans le département du Bas-Rhin, cas unique en France. Bien que ne bénéficiant d’aucun statut de protection particulier, il n’y est tout de même pas chassable. De fait, l’animal en lui-même ne peut être tué, ni bien sûr capturé ou gardé en captivité, comme c’est le cas pour toute autre espèce de la faune sauvage. Sur le reste du territoire national (y compris dans le Haut-Rhin), le blaireau est chassé et peut faire l'objet de destructions et de déterrage, essentiellement au motif qu'il occasionne des dégâts aux cultures et creuse des galeries, considérées comme dangereuses pour les activités humaines.

Fort d'une dizaine d'années d'expérience, le pôle médiation de la LPO et du GEPMA oeuvre au quotidien pour trouver des solutions aux gênes provoquées par les terriers et à la protection de ce mammifère peu connu persécuté.

Quelle est l’évolution de sa population en Alsace ?

L’espèce est suivi par le GEPMA qui inventorie exhaustivement les terriers, une enquête qui s’étoffe chaque année de données nouvelles données. Par extrapolation, ces  onnées  montrent que les populations de blaireaux sont globalement stables d’une année à l’autre (et ce depuis 10 ans en Alsace) et se régulent d’elles-mêmes (notamment avec la disponibilité en nourriture et en sites favorables à l’installation de terriers). Localement, une certaine fluctuation des effectifs peut s’expliquer par l’amélioration de la qualité de l’habitat ou l’augmentation des ressources alimentaires (anciennes parcelles cultivées remises en herbe, etc.). En Alsace, une moyenne de 3,5 individus par clan a été établie, et la population est estimée entre 10 000 et 12 000 individus.

Cohabitation avec le blaireau ou éloignement : les techniques développées par le pôle MFS

Le terrier d'un clan de blaireaux est constitué de plusieurs entrées (appelées gueules) - Photo LPO AlsaceLe terrier d'un clan de blaireaux est constitué de plusieurs entrées (appelées gueules) - Photo LPO AlsacePour creuser son terrier, il arrive que le blaireau jette son dévolu sur des lieux jugés inappropriés ou gênants pour l’activité humaine : remblais routiers ou ferroviaires, digues, vignobles et autres parcelles cultivées ou encore chez des particuliers, dans des cimetières… Ceux-ci peuvent alors représenter un danger pour les usagers : risque d’affaissement d’une voie de circulation, de chute d’engins agricoles si le terrier s’effondre, etc.

Le pôle MFS s’efforce d’accompagner les personnes faisant face à ces problématiques, dans le but de trouver des solutions favorisant une cohabitation acceptable autant pour l’homme que pour l’animal. Dans cette optique, les médiateurs spécialisés sur le blaireau ont développé leur connaissance de ses comportements et ont surtout expérimenté des techniques efficaces permettant le maintien ou l’éloignement durable des individus en fonction des situations. Les blaireaux étant très territoriaux et très fidèles, chasser un clan est en effet particulièrement compliqué : chaque fois que cela est possible, une relocalisation proche est préconisée. Conduire des blaireaux à délaisser complètement un site n’est proposé que dans les situations dangereuses, et implique du temps et de l’argent.

Des salariés du GEPMA et de la LPO empêchent le maintien d'un clan dans une parcelle de vigne - Photo LPO AlsaceDes salariés du GEPMA et de la LPO empêchent le maintien d'un clan dans une parcelle de vigne - Photo LPO AlsaceAvec l’appui du CNRS de Strasbourg, un système spécifique a été mis au point en 2011 pour qu’un clan de blaireaux quitte un terrier gênant, en vue de son obturation : ce système permet donc aux animaux de sortir du terrier, mais ils ne peuvent plus y entrer. Dans la plupart des cas, l’usage d’un répulsif naturel à base d’oléorésine de piment suffit à déranger suffisamment les occupants, et ainsi les faire déménager dans un autre terrier de leur territoire.

La difficulté majeure de ces techniques réside dans le fait que les terriers de blaireaux sont constitués d’innombrables galeries et de plusieurs entrées et que les individus reviennent inlassablement sur le site qui les a vus naître. Une persévérance, une présence régulière et un suivi méthodique sont incontournables pour garantir le succès d’une telle opération de délocalisation. Dans certains cas complexes, où aucun espace de repli n’est disponible à proximité, il est même préconisé de construire des terriers artificiels, ce qui induit des frais financiers importants mais permet des solutions pérennes (ex : terriers dans des digues ou des voies de chemin de fer surélevées).

Le pôle MFS a systématisé sa procédure de médiation blaireau en 2009 pour faire face au grand nombre de cas, qui étaient initialement traités de manière ponctuelle. Pour la seule année 2018, ce sont 50 situations qui ont été suivies par le pôle MFS. Plus de 30% d’entre elles concernaient des particuliers ou des communes, une catégorie dont les sollicitations augmentent chaque année. Les autres cas concernent des terriers dans des parcelles agricoles ou des infrastructures linéaires.

Le pôle MFS a rédigé 3 fiches techniques sur les problèmes de cohabitation avec le blaireau. Elles sont téléchargeables ici.

 


Court historique du statut et des effectifs de l'espèce

Dans les années 70 et 80, le blaireau a été une victime collatérale de l’intense campagne contre la rage vulpine. Les terriers étaient alors gazés sans distinction, qu’ils soient occupés par le renard ou le blaireau, ou les deux. Cet acharnement a conduit à une importante chute de la population de blaireaux, ce qui lui a valu, une fois la rage éradiquée, d’être retiré de la liste des animaux dits « nuisibles » en 1991, pour passer à la catégorie « gibier ».

Lors de cette transition, seul le département du Bas-Rhin a choisi de ne pas classer le blaireau en tant qu’espèce chassable ! Une exception notable, qui a donné au blaireau un statut unique en France. Toutefois, en 2002, à la faveur de la reconstitution des effectifs, la Fédération Départementale des Chasseurs (FDC) a sollicité son reclassement en tant que gibier pour une période probatoire d’un an. Malgré la présence des représentants de la LPO Alsace et d’Alsace Nature au Conseil Départemental de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS) et de leurs arguments contre l’adoption d’une modification de ce statut, une majorité des participants a voté en faveur de cette proposition. C’est ainsi que le blaireau a été classé gibier pour la saison de chasse 2003/2004.

Nocturnes et farouches, les blaireaux sont difficiles à observer - Photo J.-P. BedezNocturnes et farouches, les blaireaux sont difficiles à observer - Photo J.-P. BedezSuite à ce « test », la LPO Alsace, le GEPMA et Alsace Nature ont monté un solide dossier de publications scientifiques, en faveur de l’arrêt définitif de la chasse au blaireau dans le Bas-Rhin. C’est également dans ce cadre que le GEPMA a démarré une vaste « Enquête Blaireau », visant à recenser les terriers du mustélidé sur toute l’Alsace. Grâce à ce travail, mais aussi en raison des faibles résultats de la saison de chasse au blaireau, un accord a été trouvé pour déclasser le mustélidé de la liste des espèces gibier dans le Bas-Rhin, dès la saison de chasse 2004/2005, et ce avec l’accord quasi-unanime des chasseurs ! Une victoire importante pour ce mustélidé méconnu et souvent mal jugé. Depuis, l’inventaire réalisé par les bénévoles du GEPMA s’est bien étoffé et permet une estimation du nombre d’individus constituant la population alsacienne.

Un suivi à long terme reste indispensable, car représentant un outil majeur dans la protection de l’espèce. En effet, le combat continue : le statut du blaireau a une nouvelle fois été remis en cause par la profession agricole (FDSEA) en 2016. A cette occasion, la LPO est réintervenue auprès du CDCFS pour rappeler les raisons de son déclassement, ce qui a permis le maintien du statu quo pour l’espèce dans le Bas-Rhin.