Guifette noire (plumage d'hiver) - Photo Jean-Marc BronnerGuifette noire (plumage d'hiver) - Photo Jean-Marc BronnerLes milieux naturels des bords du Rhin ont subi des transformations radicales par suite des amĂ©nagements qui se sont succĂ©dĂ©s en diffĂ©rentes Ă©tapes du milieu du XIXème siècle jusqu’en 1977 : travaux de rectification au XIXème siècle, puis de rĂ©gularisation au dĂ©but du XXème siècle et enfin, de canalisation dans la 2ème moitiĂ© du XXème siècle. La dynamique naturelle des milieux a Ă©tĂ© supprimĂ©e (disparition des Ă®lots sablo-graveleux, importante rĂ©duction de surface des stades sylvicoles pionniers) et les Ă©cosystèmes du lit majeur se sont considĂ©rablement assĂ©chĂ©s (suppression des inondations, abaissement du toit de la nappe, rĂ©duction de l’ampleur des battements de cette nappe). Il en a rĂ©sultĂ© une profonde transformation de l’avifaune rhĂ©nane : des espèces ont disparu (balbuzard pĂŞcheur, sterne naine, guifette noire, etc.), d’autres se sont maintenues avec plus ou moins de succès (petit gravelot, sterne pierregarin, etc.) et d’autres enfin, qui connaissent une dynamique expansive actuellement en Europe, se sont installĂ©es (mouette rieuse, goĂ©land leucophĂ©e, etc.).

 

Parmi les aménagements dont les répercussions ont été favorables aux oiseaux, il convient de citer la création des musoirs près de chaque ouvrage hydroélectrique (usines de production d’électricité et barrages). Ces langues de terrain sont constituées de matériaux grossiers (galets et graviers), elles sont implantées au milieu de l’eau et sont peu accessibles aux prédateurs terrestres. Elles consitutent de ce fait des sortes d’îles sablo-graveleuses artificielles. Elles ont rapidement été utilisées comme biotopes de substitution par plusieurs espèces nichant à l’origine sur les îlots naturels. Aujourd’hui, ces musoirs hydroélectriques représentent les principaux sites de nidification du petit gravelot, de la mouette rieuse, de la mouette mélanocéphale, du goéland leucophée et de la sterne pierregarin en Alsace. Ces colonies de laridés attirent par ailleurs diverses espèces d’anatidés (canard chipeau, canard colvert, fuligule morillon), qui s’y sentent en sécurité pour nicher. En hiver et lors des passages migratoires, les musoirs constituent également des reposoirs privilégiés pour une cohorte d’oiseaux d’eau (cormorans, hérons, canards de surface, foulques, laridés et plus rarement, oies).

 


Un impératif de gestion appropriée

Les contraintes d’exploitation industrielle des ouvrages hydro-électriques nécessitent un entretien régulier des musoirs et de leurs abords par EDF, afin de contenir le développement de la végétation ligneuse.

 

Goéland leucophée - Photo Nicolas BuhrelGoéland leucophée - Photo Nicolas BuhrelJusqu’au milieu des années 1980, la solution retenue par cette entreprise consistait à effectuer des traitements chimiques. Ceux-ci détruisaient tant la végétation ligneuse qu’herbacée. La surface des musoirs demeurait ainsi totalement nue et les sites s’avéraient particulièrement favorables à la nidification d’espèces pionnières, tels que le petit gravelot et la sterne pierregarin. Toutefois, une prise de conscience d’EDF sur la pollution de l’environnement qui en résultait, même ponctuelle, et sur les destructions qui étaient parfois occasionnées aux colonies d’oiseaux (passage des véhicules à des dates inappropriées), ont conduit à rechercher d’autres solutions sous l’impulsion de la LPO Alsace.

Un simple broyage de la végétation fut la méthode alternative choisie. Le problème des dates d’intervention demeurait cependant entier et la colonisation progressive des musoirs par un tapis d’herbacées ne cessait d’inquiéter, car elle entraînait la désertion des sites par les deux espèces pionnières remarquables précitées.

Il devenait urgent de trouver une solution plus satisfaisante : la LPO Alsace a saisi EDF du problème et après une pĂ©riode de concertation, une convention entre les deux organismes a Ă©tĂ© signĂ©e.


Une convention exemplaire

Mouettes rieuses, musoir EDF - Photo Christian DronneauMouettes rieuses, musoir EDF - Photo Christian DronneauLa convention, signĂ©e en 2000 pour une pĂ©riode de trois ans, renouvelable ensuite par tacite reconduction d’annĂ©e en annĂ©e, prĂ©voit un entretien diffĂ©renciĂ© des musoirs, selon les espèces nicheuses qu’ils hĂ©bergent :

  • sur les sites occupĂ©s par le petit gravelot et la sterne pierregarin, l’entretien doit consister en un griffage du sol avant l’installation des oiseaux, entre le 15 mars et le 1er avril, afin d’empĂŞcher l’implantation trop massive des herbacĂ©es (doublĂ© Ă©ventuellement d’un griffage en fin d’étĂ© selon le dĂ©veloppement constatĂ© des herbacĂ©es) ;
  • sur les sites oĂą nichent les mouettes et le goĂ©land leucophĂ©e, l’entretien consiste en un broyage annuel de la vĂ©gĂ©tation dĂ©passant 5 Ă  10 cm, Ă  effectuer une fois par an après le dĂ©part des oiseaux, entre le 15 aoĂ»t et le 15 novembre.

 

Cette convention, toujours en cours, a fait l’objet d’une actualisation en 2006, afin de permettre l'expérimentation d’autres modalités d’intervention en faveur du petit gravelot et de la sterne pierregarin (désherbage thermique, bâchage, etc.), qui seraient éventuellement plus efficaces.

Le partenariat avec EDF se traduit Ă©galement par la rĂ©alisation de documents d’information sur l’avifaune du Rhin, Ă  destination du grand public et des scolaires. Trois brochures intitulĂ©es « les oiseaux d’eau hivernants d’Alsace  Â» (versions adulte et scolaire) et « les oiseaux des musoirs » ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es, et sont disponibles auprès de la LPO Alsace (contacter le siège, Ă  Strasbourg). Une confĂ©rence de presse organisĂ©e le 30 juin 2006 Ă  Strasbourg a permis de dresser le bilan de ces actions et de consolider le partenariat Ă©tabli depuis plusieurs annĂ©es entre EDF et la LPO Alsace, pour le plus grand bĂ©nĂ©fice des oiseaux. Elle a Ă©tĂ© largement relayĂ©e par la presse rĂ©gionale.