Photo David HackelPhoto David HackelQuand il se révéla dans l’enceinte du zoo, début février 2007, environné d’une nuée de corneilles au moindre de ses coups d’ailes, on songea d’abord à un apatride errant. En l’examinant, en considérant sa beauté, sa force, son assurance, il fallut se rendre à l’évidence : c’était bel et bien le « roi de la nuit », accompagné de sa reine, qui était venu s’installer dans la héronnière du zoo de Mulhouse, en pleine zone urbaine !

L’arrivée inattendue du plus grand rapace nocturne d’Europe, considéré comme disparu en 1938 en Alsace, réintroduit dans le Jura alsacien en 1977, au statut encore fragile malgré plusieurs couples nicheurs dans les Vosges du Nord, ainsi qu’un début de présence dans les Hautes Vosges, suscite bien des questions. Quelles raisons invoquer pour cette installation spontanée d’un couple au zoo ?

Un couple de grands-ducs d’Europe est présenté dans une volière du zoo et les appels du mâle en volière ont pu constituer un signal sonore. Le 19 février, un véritable assaut a d’ailleurs été mené par le mâle sauvage sur cette volière et ses occupants, signe d’une forte territorialité. Parallèlement, l’utilisation d’aires d’autres espèces est mentionnée par la quasi-totalité des auteurs. Or le zoo de Mulhouse dispose de l’une des plus grandes héronnières d’Alsace.
En revanche, sous nos latitudes les grands ducs ont l’habitude de nicher en falaise, au sol  et non sur les arbres (habitude réservée aux individus vivant plus au nord) ; la ligne de démarcation semble donc s’être abaissée.
Autre élément surprenant : tous les auteurs sont unanimes pour dire que les persécutions anciennes ont relégué l’espèce dans des sites retirés, loin de l’homme. Or ce couple niche dans le zoo de Mulhouse, certes dans un environnement riche en proies potentielles, mais également très fréquenté par l’homme, envers lequel sa distance de fuite est quasi inexistante. La nidification en ville a déjà été observée, mais reste rare.

Les explications restent donc hypothétiques. Mais au-delà de ces considérations, on ne peut que se réjouir de la présence de ce magnifique rapace, qui le 15 mars, a vu éclore ses œufs. Ses 3 jeunes n’ont hélas pas survécu.

« Si demain nos forêts de plaine deviennent suffisamment attrayantes pour des grands ducs capables de nicher à terre ou dans d’anciennes aires de rapaces forestiers, un grand avenir géographique s’offre à notre oiseau » écrit G. Cochet en observant des nidifications forestières réussies en Belgique.

Il semble bien que ce processus soit engagé au zoo de Mulhouse.