Le grand-duc d’Europe, un hibou, est le plus grand rapace nocturne d’Europe : on peut le surnommer le «roi de la nuit», car c’est lui le superprédateur nocturne.
Présentation de l’espèce
Jeune tout récemment envolé - Photo Yves MullerLe grand-duc est facilement reconnaissable à sa taille impressionnante (envergure de 155 à 180 cm et poids jusqu’à 3,25 kg pour la femelle). Il se situe au sommet de la chaîne alimentaire et peut consommer toutes sortes de proies de taille très variable, du campagnol au jeune renard, en passant par le rat surmulot, le faucon pèlerin, la corneille ou le hérisson.
Sédentaire toute l’année, il fréquente les milieux ouverts ou semi-ouverts pour se nourrir, mais niche dans des sites rupestres comme des carrières ou des parois rocheuses envahies par des herbes hautes afin de pouvoir se cacher. Malgré sa taille, il reste très discret.
Statut juridique et liste rouge
Le grand-duc d’Europe fait partie des espèces strictement protégées par l'arrêté ministériel du 29 octobre 2009 (abrogation de l’arrêté ministériel modifié du 17 avril 1981). La protection de l’habitat est dorénavant prise en compte dans son article 3-II : « Sont interdites … la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée … ».
Il est inscrit sur la Liste Rouge des oiseaux nicheurs du Grand Est avec un statut « Quasi-menacé ». Il figure sur la directive oiseaux niveau I et bénéficie d’une mesure de protection au niveau national également de niveau I.
Population
Historique
Disparu de notre région dans la première moitié du XXe siècle, le grand-duc a été réintroduit avec succès à partir des années 1970. Les auteurs du XIXe siècle le signalent sédentaire dans les Hautes-Vosges, mais Schneider précise déjà qu’il est devenu rare. Il niche encore en 1906 et 1914 sur la commune de Ban-sur-Meurthe dans le département des Vosges et après la guerre 1914-18 dans les rochers de Wildenstein, Haut-Rhin. C’est ici que l’espèce aurait disparu de notre territoire avec le tir d’un dernier spécimen en 1938.
Sa réintroduction est tentée une première fois en 1972 avec le lâcher de deux jeunes près de Barr. Elle a été interrompue par la suite à la demande du FIR (Fonds d’Intervention pour les Rapaces) qui souhaitait protéger les derniers faucons pèlerins présents sur le massif vosgien, cette espèce figurant parmi les proies potentielles du grand-duc.
Les tentatives suivantes eurent lieu dans le Sud du département à partir de 1977, avec la mise en liberté d’une quinzaine d’individus dont des couples avec des jeunes, sous l'impulsion de Michel Heyberger. A la même époque, d’autres oiseaux furent introduits dans le Jura suisse. Ces lâchers ont permis l’installation de 2 à 3 couples dans ce secteur et une première nidification alsacienne a été constatée en 1985 avec 3 jeunes à l'envol.
Les réintroductions massives de grands-ducs en République Fédérale Allemande (1400 individus lâchés de 1964 à 1986) sont sans doute à l’origine des oiseaux observés dans les Vosges du Nord, avec une première nichée de 4 jeunes à l’envol en 1986.
Bilan de la nidification du grand-duc d'Europe en 2024
Massif vosgien : le recensement des grands-ducs nicheurs s'effectue toujours en collaboration avec les 2 parcs naturels régionaux (Ballons des Vosges, et Vosges du Nord) et de nombreux naturalistes, associations locales et groupes de la LPO. Sur 81 sites contrôlés, 75 étaient occupés par l’espèce ; sur ces 75 couples, 37 se sont reproduits (+ 20 couples nicheurs probables et 18 possibles). Concernant les couples reproducteurs (nicheurs certains), la saison 2024 est une bonne année avec 60 jeunes à l’envol, s’approchant de la meilleure saison de 2021 (71 jeunes à l’envol) ; 6 échecs ont été relevés : 4 pour raisons inconnues, 1 pour cause de météo et 1 dû à un dérangement. Une partie importante des sites de reproduction favorables disponibles semblent désormais occupés sur le massif. Les mesures de protection se poursuivent : convention de gestion avec plusieurs carrières en exploitation, collaboration avec les associations de grimpeurs et signature d’une charte, mise en place d’arrêtés municipaux, prise en compte des sites par la sécurité civile, collaboration avec l’OFB, etc.
En plaine d’Alsace : 23 territoires occupés par l’espèce ont été recensés en 2024, soit un de plus que l’année précédente. Cependant les territoires en plaine restent difficiles à contrôler et la population est probablement sous-évaluée. Neuf couples ont pu mener à bien leur reproduction (11 en 2023, 5 en 2022 et 6 en 2021), et ont élevé au total 13 jeunes. Les données de réussite de reproduction sur les sites en plaine sont toujours difficiles à collecter du fait de la difficulté à localiser les aires.
Facteurs de menace
La principale menace est la pratique non maîtrisée de loisirs de plein air susceptibles de provoquer des dérangements dans les falaises, comme l’escalade, le deltaplane et le parapente. Une concertation avec tous les acteurs est ici indispensable. Une autre préoccupation vient des risques d’électrocution et de percussion avec les lignes aériennes au vu de l’envergure impressionnante de l’oiseau.
Les dérangements par des naturalistes et des photographes animaliers peu respectueux des distances d’observation, peuvent constituer une autre menace pour ce magnifique oiseau rare.
Etudes et protection
La LPO Alsace a initié plusieurs actions en faveur du grand duc d’Europe :
- Suivis des sites afin d’assurer leur tranquillité pendant la période de nidification
- Conseils auprès des agents de l’ONF pour limiter les travaux sylvicoles sous les falaises pendant la période de nidification
- Participation à la mise en place d’une réglementation relative à la pratique des loisirs de plein air, en partenariat avec certaines communes et associations
- Renforcement de la surveillance des sites de nidification avec la participation des membres de la LPO Alsace
Elle coordonne également le suivi des couples nicheurs dans le massif vosgien et en plaine d'Alsace.
Ce suivi est assuré essentiellement par les ornithologues bénévoles des associations. Ce sont ainsi près d'une centaine d'observateurs qui contrôlent les aires et communiquent leurs informations chaque année.
Plusieurs coordinateurs bénévoles se chargent de recueillir les informations et d'animer le réseau d'observateurs par zone géographique :
Jean-Marie BALLAND (LPO) et le Groupe d'Etudes Rapaces Vosges (GERV) | pour le département des Vosges |
Denis DUJARDIN (LPO Alsace) | pour les Vosges moyennes bas-rhinoises |
Guy RITTER (LPO Alsace) et le Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges | pour les Vosges haut-rhinoises |
André LUTZ (LPO Alsace) et Claude KURTZ (SOS Faucon pèlerin-Lynx), ainsi que le Parc Naturel Régional des Vosges du Nord | pour les Vosges du Nord |
Samuel MAAS et Franck VIGNERON (LPO Bourgogne / Franche-Comté et Groupe Pèlerin Jura) | pour le territoire de Belfort et la Haute-Saône |
Jérôme ISAMBERT et Olivier STECK (LPO Alsace) | pour les centres urbains et la plaine bas-rhinoise |
La coordination globale est assurée par Sébastien DIDIER (LPO Alsace).
En savoir plus sur les actions menées :
Sébastien Didier
Coordination, suivi, études rapaces
Tél. : 03 88 22 07 35
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- Catégorie : Actions par espèce