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Grand tétras

Présentation de l’espèce

Mâle en parade nuptiale - Photo Charles MetzMâle en parade nuptiale - Photo Charles MetzEn France, le grand tétras vit dans les forêts de montagne : Vosges, Jura, nord des Alpes (relictuel), Cévennes (réintroduit) et Pyrénées. Il fréquente les vieilles forêts mixtes peu dérangées, riches en clairières et en lisières, où la myrtille abonde. Il est sédentaire et mène une existence à la fois arboricole et terrestre, se nourrissant d’aiguilles de conifères en hiver, de bourgeons et de jeunes pousses (feuillus et myrtille) au printemps, d’herbacées et de baies variées en été-automne.

En hiver, une neige abondante peut le confiner presqu’exclusivement dans les arbres. Au printemps, les mâles d’un même secteur se rassemblent au sol sur des places de chant traditionnelles, où ils sont rejoints par les femelles. Tout dérangement à cette période de l’année peut totalement compromettre la reproduction. Dans les Vosges, comme partout ailleurs en France, le grand tétras se raréfie beaucoup. Sa population y présente aujourd’hui un niveau critique.

Statut juridique et liste rouge

Le grand tétras est classé parmi les espèces gibier en France,  mais il est protégé en Alsace, Lorraine, Franche-Comté et Rhône-Alpes. Il fait partie des espèces «En danger critique» de la Liste Rouge des espèces nicheuses du Grand Est, et "Vulnérable" de la Liste Rouge française.


Etudes menées

Au début des années 1970, des membres du Centre d'Etudes Ornithologiques d'Alsace, devenu depuis groupe Ornithos de la LPO Alsace, ont réalisé une enquête auprès des naturalistes, forestiers et chasseurs pour connaître le statut du grand tétras dans l’ensemble du massif vosgien. Quelques années plus tard, en 1979, un ensemble de naturalistes, de forestiers, de chasseurs et de scientifiques passionnés par l’espèce se sont réunis en un groupe informel baptisé «Groupe Tétras Vosges» (GTV) pour assurer son suivi et sa protection dans les Vosges. Ce groupe s’est rapidement transformé en association et il a élargi son action à la gélinotte des bois.

Depuis sa création, le GTV a engagé de nombreuses études sur le grand tétras telles qu’une évaluation périodique de la population totale, un suivi annuel de 24 places échantillons réparties sur l’ensemble du massif, une cartographie des zones de présence (domaine vital, places de chant), une notation de la qualité des habitats, etc.


Effectif

En 1935, on estime que 1000 mâles étaient présents sur l’ensemble du massif vosgien (Alsace, Lorraine, Franche-Comté), par extrapolation des résultats d’une enquête réalisée par l’administration forestière de l’époque dans le département du Haut-Rhin où un total de 250-500 mâles avait été obtenu (femelles non prises en compte, car trop discrètes pour donner des résultats fiables). En 1972, la population a été estimée à 240-280 mâles, dont 80-100 dans le Haut-Rhin. Le GTV a assuré le suivi ultérieur des effectifs totaux : 150-200 mâles en 1989, 100-150 en 1995 et moins de 50 en 2005. Entre 2005 et 2007, le nombre de coqs a augmenté sur certaines places-échantillons suivies annuellement. Mais depuis, la population s'est effondrée, et il reste moins de 10 coqs dans le massif ...


Facteurs de menace

Parmi le panel de facteurs évoqués pour expliquer la régression continue du grand tétras, depuis une tendance climatique défavorable jusqu’à une influence négative des prédateurs, en passant par les surdensités d’ongulés et les maladies, la LPO Alsace estime que la destruction des biotopes fréquentés par l’espèce et l’accroissement des dérangements liés à la pénétration humaine massive des forêts, sont les deux facteurs clés qui ont joué en la défaveur du grand tétras. Toutes les autres causes n’interviennent que comme facteurs aggravants. Une sylviculture trop intensive au XXe siècle (coupes à blanc suivies de plantations équiennes d’épicéas sur de vastes surfaces, développement des futaies régulières, exploitation des arbres avant leur vieillissement biologique, fermeture des trouées, etc.) et le développement considérable des activités de loisir dans les Vosges (3,5 km/100 ha de voies forestières, 2 km/100 ha de sentiers balisés, 0,6 km/100 ha de pistes VTT, 2,4 km/100 ha de pistes de ski de fond, 32 stades de ski, estimation de 10 à 15 millions de visiteurs par an) ont sonné le glas de l’espèce.


Actions de protection de la LPO et des autres associations

Femelle - Photo Charles MetzFemelle - Photo Charles MetzLa première action des protecteurs de la nature a été d’obtenir l’interdiction totale de la chasse, afin de ne pas aggraver inutilement la situation de l’espèce. En effet, si les femelles et les jeunes bénéficiaient d’une protection depuis la fin de la deuxième guerre mondiale (dès 1890 pour l’Alsace), le tir des mâles était toujours autorisé.

 

La protection complète est effective depuis 1973 ou 1974, selon les départements. A partir de 1979, le GTV s’est activement mobilisé contre les autres menaces pesant sur l'espèce. Des résultats positifs ont été obtenus (protection de sites favorables par voie réglementaire, travaux sylvicoles écologiques dans des zones prioritaires, directives Tétras dans une partie des forêts publiques, etc.), mais ils se sont révélés trop ponctuels.

La situation d’ensemble a continué de se dégrader. Aujourd’hui, seules des actions radicales, à mettre en oeuvre de toute urgence, peuvent encore sauver le grand tétras. Un collectif d’associations (Alsace Nature, LPO Alsace, Oiseau Nature 88, Groupe des Naturalistes de Franche-Comté, etc.) s’est constitué sous l’impulsion de la LPO Alsace, afin d’aider le GTV dans ses missions. Un plan d’action en 10 points a été adopté en 2006 et le collectif demande son instauration immédiate par les décideurs, les gestionnaires et les utilisateurs de l’espace. Il conviendrait de décider un moratoire de 10 ans dans toutes les forêts où subsistent les derniers grands tétras : arrêt total de toute activité sylvicole et limitation drastique des activités humaines de loisir. Les surfaces concernées sont très limitées : moins de 130 km², dont une partie (32 km²) est déjà protégée par un statut de réserve naturelle, d’arrêté de protection de biotope ou de réserve biologique domaniale. L’effort immédiat doit donc porter sur moins de 100 km², ce qui est faible à l’échelle du massif ! Une contrainte si modeste peut parfaitement être supportée par la société.

Les documents d’objectifs dans le périmètre des zones de protection spéciales des Hautes-Vosges, établis au titre de la directive Oiseaux et auxquels participe la LPO Alsace, doivent être ambitieux et prendre impérativement en compte ces dimensions, spatiale d’une part et de retour à la naturalité et à la tranquillité des sites d’autre part.

Certains naturalistes ont émis le souhait d'engager des opérations de réintroduction dans des secteurs où le grand tétras a disparu pour une cause probable de braconnage, mais où les biotopes sont encore partiellement de qualité. Dès 2002, la LPO Alsace s'est déclarée réservée vis à vis de tels projets (voir la position de la LPO Alsace). En effet, il ne faut pas perdre de vue le caractère très aléatoire et onéreux des opérations de réintroduction pour cette espèce. Peu de tentatives ont été couronnées de succès en Europe ; celle réalisée en France, dans le Parc National des Cévennes, ne peut pas encore être considérée comme une véritable réussite.

Un projet de renforcement de la population de Grand tétras a néanmoins vu le jour fin 2021, associant la DREAL Grand Est et le Parc naturel Régional des Ballons des Vosges. Malgré les avis défavorables du CNPN et du CSRPN émis début 2023, l'opération a tout de même été lancée en 2024, avec le relâcher de 9 oiseaux capturés en Norvège. La plupart des oiseaux n'a pas survécu, mais l'opération se poursuivra dès 2025 avec d'autres séries de relâchers.

 

Pour en savoir plus sur les tétraonidés dans le massif vosgien, vous pouvez consulter le site internet du GTV (Groupe Tétras Vosges)