Petit guide de bonne conduite pour l’installation d’éoliennes en Alsace.
L’Alsace n’est pas une région très ventée, néanmoins un certain nombre de secteurs sont propices à l’installation d’éoliennes, en particulier la crête des Vosges et l’Alsace Bossue. Plusieurs projets ont vu le jour, notamment au Bonhomme, à Grendelbruch, à Saales et à Dehlingen. L’énergie produite par les éoliennes est une énergie « propre » et renouvelable et est donc soutenue par les associations de protection de l’environnement dont la LPO.
Les parcs éoliens sont cependant des installations industrielles qui peuvent avoir un impact important sur l’environnement et sur les oiseaux, comme l'ont montré de nombreuses études pour la plupart étrangères. Les projets d'implantation doivent évidemment tenir compte de ces impacts qui dépendent de la richesse biologique et de la sensibilité des secteurs pouvant potentiellement être équipés.
Les éoliennes sont-elles de véritables « hachoirs à oiseaux » ? Quels sont les dérangements et la mortalité qu'elles provoquent ? La LPO Alsace a eu l’occasion de présenter sa position au comité régional de pilotage « éolien ».
Dérangement
Le phénomène de dérangement est lié à la construction, au fonctionnement et à la maintenance des éoliennes.
L’emprise au sol d’une éolienne est d’environ 15 m2 (lorsque les fondations sont enterrées). Pour une ferme éolienne moyenne de 12 MW, l’emprise est donc de 150 m2 environ, sans compter celle des chemins d'accès souvent plus importante que celle des éoliennes elles-même. Plusieurs études européennes ont montré que la zone de 600 m autour des éoliennes était moins fréquentée qu’auparavant par certaines espèces, ce qui correspond à une perte d'habitat. Sur des sites d’hivernage d’oiseaux migrateurs, l’installation d’un parc éolien peut affecter sérieusement le fonctionnement écologique du site et de facto diminuer considérablement son intérêt pour l’avifaune.
De plus un parc éolien peut faire barrière aux mouvements entre une zone d’alimentation et une zone de reposoir: un groupe d'éoliennes installées dans un habitat naturel peu perturbé aura plus d'impact qu'un parc disposé en ligne, le long d’une route déjà facteur de perte d’habitats.
Par contre, à l’approche des éoliennes, la majorité des « grands voiliers », c'est-à -dire les espèces d’oiseaux à priori les plus sensibles, corrigent leur trajectoire en fonction de la topographie des lieux, de la force et la direction du vent. Dans les 2/3 des cas, cette rectification a lieu à 500 m et plus des éoliennes
Mortalité
La grande majorité des études a montré un très faible taux de collision, sauf dans le cas de parcs éoliens très denses construits sur des zones particulièrement sensibles (couloirs de migration, zones d’hivernage ou de nidification…).
Même si la mortalité sous les éoliennes semble faible au regard des impacts existants pour d’autres infrastructures (collisions avec les lignes électriques, véhicules, surfaces vitrées et ponts éclairés la nuit…) elle n’en constitue pas moins un risque supplémentaire. Il faut donc étudier l’ensemble des infrastructures avoisinantes et tenir compte des effets cumulatifs.
Le choix du site d’implantation est donc déterminant. Il doit se faire à une échelle territoriale cohérente et avec l’aide d’experts. La réalisation de schémas territoriaux éoliens est recommandée : l’élaboration en Alsace d’un schéma régional éolien, sous l’égide du Conseil Régional qui a mis en place pour cela un comité régional de pilotage « éolien », va dans ce sens.
La conception d’un projet éolien
La LPO préconise d’agir comme suit :
- La consultation des associations naturalistes locales est indispensable : elles détiennent souvent des données étalées sur plusieurs années.
- Avant la réalisation de toute étude d’impact, il faut procéder à un pré-diagnostic, procédure légère permettant de faire un bilan des impacts potentiellement connus, et permettant de préciser les zones à étudier de manière plus détaillée.
- Les études d’impact doivent être professionnelles et complètes. Les expertises ornithologiques doivent se faire au minimum sur une année pour qu’un cycle biologique complet soit étudié.
- La définition des zones d’étude doit permettre d’appréhender avec précision les enjeux sur le site et d’évaluer l’intégration environnementale du parc sur l’ensemble du territoire directement ou indirectement affecté.
- L’étude doit montrer si le projet risque de produire des impacts négatifs sur la faune et sur la flore et notamment les populations d’oiseaux, et, s’ils existent, proposer des mesures de compensation, de suppression et/ou de réduction pertinente. Ces mesures compensatoires doivent faire l’objet d’une étude de faisabilité technico-financière et demeurer à la charge du porteur du projet.
- Les effets induits doivent être limités au strict minimum : par exemple, il faut utiliser le plus possible les voiries existantes pour l’installation des éoliennes, proscrire une exploitation touristique motorisée pour l’accès aux sites isolés, accès qui doit rester limité aux seuls besoins de l’exploitation.
Précisons pour terminer que la LPO suit ce dossier en étroite collaboration avec les autres associations, notamment Alsace Nature. Avec notre fédération régionale, nous demandons que les sites soient suivis, en ce qui concerne leur impact sur la faune notamment, durant une période de trois ans après la mise en service des éoliennes ; nous demandons également une pérennisation du comité de pilotage « éolien », sous forme d’un comité de suivi.
L’ensemble des associations attache également une grande importance à l’intégration paysagère des éoliennes.
En guise de conclusion, nous pouvons résumer notre position ainsi : « Oui aux éoliennes en Alsace, mais pas n’importe où, ni n’importe comment ! »