L’hiver 2009-2010 avait été marqué par un afflux exceptionnel de plongeons en Alsace. Pour la saison hivernale 2010-2011, un peu « en retrait » par rapport aux précédentes en ce qui concerne la présence d’hivernants rares dans notre région, on retiendra néanmoins des effectifs intéressants pour les deux espèces de cygnes « sauvages » qui viennent passer l’hiver chez nous, à savoir : le cygne chanteur et le cygne de Bewick.

 

 

Cygnes chanteurs - Photo Christian FrauliCygnes chanteurs - Photo Christian Frauli

Le Nord du Bas-Rhin (dans un secteur s’étendant de Drusenheim à Lauterbourg), est le fief traditionnel du cygne chanteur en Alsace depuis bon nombre d’années.

Cette saison, 3 individus étaient présents dès le 11/12/2010, puis 17 le 24/12, 41 le 01/01/2011, 47 le 29/01, et un maximum de 55 individus (dont 8 jeunes) a été noté les 04 et 05/02 à Munchhausen (67) !

Un second site accueille régulièrement cette espèce depuis plusieurs années, du côté d’Ensisheim dans le Haut-Rhin. Cet hiver, 8 individus étaient présents dès le 21/12/2010 ; ce groupe s’est renforcé avec 14 oiseaux le 02/01/2011, puis 18 à compter du 07/01 ; ces 18 individus ont séjourné dans le secteur jusqu’à la fin janvier au moins.

 

En dehors de ces deux bastions, l’espèce a été notée en trois autres endroits : le 23/01, 1 adulte et 2 subadultes étaient présents dans les inondations de la Zorn à Hoerdt, 2 adultes étaient vus au plan d’eau de Plobsheim et 7 autres dans les inondations à Muttersholtz. En recoupant toutes les informations disponibles, cette journée du 23/01 restera d'ailleurs dans les annales, avec un effectif record de 77 cygnes chanteurs (47 dans le secteur de Munchhausen, 3 à Hoerdt, 2 à Plobsheim, 7 à Muttersholtz, et les 18 de Meyenheim) pour l'ensemble de la région !

Cygnes chanteurs et tuberculés au plan d'eau de Plobsheim - Photo Brigitte FraniatteCygnes chanteurs et tuberculés au plan d'eau de Plobsheim - Photo Brigitte FraniatteA noter que dans la matinée du 04/02, un groupe de 7 adultes (dont un couple qui paradait bruyamment) a fait une halte au plan d’eau de Plobsheim ; toujours par recoupement d'informations, il apparaît que ces 7 individus sont très probablement venus renforcer la troupe de Munchhausen en milieu d’après-midi !

 

Bien que généralement fidèle à ses zones de gagnage, l’espèce a donc parfois la « bougeotte » ; la troupe haut-rhinoise n’a pas échappé à la règle, les oiseaux ayant déménagé sur le ban de Meyenheim à partir du 18/01, pour passer parfois la nuit du côté d’Ungersheim. A partir de février les effectifs décroissent : les 8, 9 et 10/2, il n'y a plus que 17 individus entre Meyenheim et Ungersheim, puis seulement 11 le 11/2. A compter du 13/2, la troupe n'a plus été revue.

 

 

Même si ses effectifs restent modestes en regard de ceux de son cousin, la présence du cygne de Bewick en Alsace n’en est pas moins redevenue régulière depuis plusieurs hivers. Comme l’an dernier, le secteur de Munchhausen a attiré un maximum de 7 individus (dont 2 jeunes) cet hiver ; 2 individus étaient présents dès le 11/12/2010, puis 6 individus (dont les 2 jeunes) à compter du 08/01/2011 ; ce groupe a été rejoint par un 5ème adulte le 05/02. En dehors de ce site, une seule observation a été signalée, avec 1 individu le 23/01 à Muttersholtz.

 

Sur le plan historique, il est peut-être bon de rappeler que le cygne chanteur est une espèce qui est observée quasiment chaque hiver en Alsace ; présent en petit nombre (< 10 individus) jusqu'au mileu des années 1990, ses effectifs ont ensuite augmenté lentement mais régulièrement jusqu'au milieu des années 2000, pour atteindre plusieurs dizaines d'individus au cours des derniers hivers. Quant au cygne de Bewick, son record de présence en Alsace remonte à la vague de froid qui a sévi lors de l'hiver 1978-1979 : le 4 janvier, un groupe de 12 individus était observé à Muttersholtz, 4 autres individus étant présents simultanément du côté de Benfeld. Dans les années 1980, un couple (parfois accompagné de 2 ou 3 jeunes, selon les années) a hiverné chez nous pendant 8 hivers consécutifs, de la saison 83/84 à la saison 90/91 ! C'est l'observation attentive des dessins du bec de chacun de ces oiseaux qui a permis d'affirmer qu'il s'agissait bien de la même famille qui revenait fidèlement chaque hiver. Par la suite, l'espèce n'est apparue que sporadiquement dans notre région (2 individus lors de la saison hivernale 91/92, 2 en mars 1995, 3 en janvier 1997 ; enfin, en 2000 et en 2001, 2 individus bagués ont stationné plusieurs semaines dans les Grafenmatt à Muttersholtz.).

 

Dans le Nord de l'Alsace, les deux espèces cohabitent la plupart du temps, et il est alors aisé pour les ornithologues qui ne connaissent pas bien les critères différenciant le cygne chanteur du cygne de Bewick, d’observer ces différences (proportion du jaune du bec plus petite et cou plus court chez le Bewick, taille légérement supérieure et silhouette plus élancée chez le cygne chanteur) et de reconnaître chacune des espèces sans se tromper. Illustration avec la photo ci-dessous, où les cygnes de Bewick sont repérés par une flèche (Cliquer sur la photo pour profiter du zoom).

Rassemblement de cygnes chanteurs et de Bewick à Munchhausen le 06/02/2011 - Photo Nicolas HoffmannRassemblement de cygnes chanteurs et de Bewick à Munchhausen le 06/02/2011 - Photo Nicolas Hoffmann

 

Le spectacle de ces oiseaux majestueux est un enchantement, et procure toujours de belles émotions aux observateurs. Ces derniers veilleront cependant à ne pas s'en approcher de trop près, surtout lorsqu’ils sont au gagnage dans leur zones de pâture : les cygnes sauvages sont très farouches, respectons leur quiétude et évitons les dérangements ! Espérons que notre région saura attirer encore davantage de ces magnifiques migrateurs au long cours, lors des prochains hivernages.

Cet article a pu être rédigé grâce aux données aimablement communiquées par D. Holtz, Ch. Dronneau, Ch. Frauli, G. Haas & al., N. Hoffmann, A. Lutz et L. Waeffler.

 

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