L’Influenza aviaire H5N1 fait son retour en Europe de l’Ouest et déjà les oiseaux sauvages sont montrés du doigt !

Cette obstination sur les oiseaux sauvages sert probablement certains desseins, mais  dessert les impératifs de préservation de la santé publique et de la biodiversité.

 

La LPO n’a jamais cessé de clamer l’innocence des oiseaux sauvages dans le processus de propagation du virus H5N1. Les oiseaux sauvages décelés avec le virus H5N1 sont les victimes d’une épizootie qui frappe essentiellement les élevages de volailles domestiques. Rien ne permet d’affirmer que les oiseaux sauvages sont les vecteurs principaux du virus H5N1 dans le monde…

 

Le virus H5N1 a fait son retour en Europe, le 24 janvier 2007, par la Hongrie dans une exploitation de Szentes-Lapistó. Deux oies sur les 3.355 détenues dans cette exploitation ont été décelées avec le virus. Le séquençage complet de ce virus a permis de vérifier qu’il était identique à 99,4% de celui isolé lors des précédents épisodes en 2006 dans ce même pays. L'apparition soudaine de ce foyer n’a toutefois pas été précédée ni même suivie de la découverte d’oiseaux sauvages contaminés !

 

Ce nouveau foyer met une fin à la trêve qui depuis l’été dernier, permettait à l’Europe d’être déclarée indemne vis-à-vis de ce virus, alors que des foyers d’Influenza aviaire ont été récemment confirmés en Asie (Thaïlande, Vietnam et Japon) ainsi qu’en Afrique du Nord-Est (Egypte). Il s’agissait donc du premier cas signalé en Europe depuis août 2006, date à laquelle un oiseau malade avait été découvert en Allemagne, dans le zoo de Dresde.

 

Le 03 février 2007, le Royaume-Uni faisait à son tour le constat d’un foyer d’Influenza aviaire dans un élevage de 159.000 dindes dans le comté du Suffolk en Angleterre. Le constat porte sur la contamination de 7.000 dindes dont 2.500 cadavres. Il faut également ajouter que le Royaume-Uni avait déploré, en mai 2006, un foyer d’Influenza aviaire H7N3 dans trois exploitations du Norfolk et que 50.000 poulets avaient alors été abattus. Cette région de l'est de l'Angleterre héberge certains des plus grands élevages de volailles d'Europe.

 

Que ce soit en Hongrie ou au Royaume-Uni, nous pouvons constater que ces nouveaux foyers d’Influenza aviaire concernent des élevages industriels avec une similitude étonnante : l’étroite parenté du virus décelé dans l’élevage d’oies de Hongrie et dans l’élevage de dindes d’Angleterre. En Angleterre aucun oiseau sauvage n’a été décelé avec le virus Influenza aviaire H5N1 et le Royaume-Uni n’est pas le sujet, à ce jour, des grands flux migratoires de printemps.

 

Ce constat n’a pas dispensé Fred Landeg, chef adjoint des services vétérinaires britanniques, de déclarer « que l'introduction du virus vient d'un oiseau sauvage... Â».


En considérant qu’un « oiseau sauvage Â» puisse contaminer un élevage, quelle est la probabilité que cet oiseau largue une charge de virus dans un élevage industriel et qui plus est en claustration totale ou partielle. Manifestement cette probabilité est faible, elle est en revanche plus grande pour un élevage de basse cour qui profite d’un parcours extérieur.

 

Mais voilà, nous ne déplorons pas de foyers d’Influenza aviaire H5N1 dans des élevages traditionnels ou conduits de façon extensive…

 

Pourquoi des élevages industriels répondant à des critères stricts de vigilance sanitaire et vétérinaire font-ils l’objet de tels évènements épizootiques ? Si nous prenons l’exemple d’un élevage industriel de dindes :

 

  • D’une part les dindes sont particulièrement sensibles aux Influenza aviaire du fait notamment de la sélection de standards basée sur un nombre restreint de géniteurs. Cette sélection, menée depuis plusieurs générations, a conduit à une homogénéisation et à un appauvrissement du patrimoine génétique les rendant plus sensibles aux flambées épizootiques ;

 

  • D’autre part ces oiseaux sont placés dans des conditions de stress et de promiscuité favorables au développement de souches pathogènes. Ainsi, par exemple, les élevages de dindes à croissance rapide sont placés en claustration permanente sans limitation de surface alors que les souches à croissance lente sont placées en confinement partiel jusqu’à 7 semaines avec des densités comprises entre 10 individus à 17 individus/m². Ces conditions de confinement occasionnent également des comportements d’agressivité qui peuvent conduire les exploitants à débecquer les oiseaux afin de limiter les mutilations inter-oiseaux.

 

  • Mais également, il n’est pas exclu que certains échanges commerciaux intra et extra communautaires échappent à la vigilance des douaniers…

 

Si nous ne disposons pas d’éléments permettant d’expliquer les évènements qui ont affecté la Hongrie et le Royaume-Uni nous pouvons, néanmoins, faire quelques constats :

 

  • L’élevage de dindes dans le comté du Suffolk en Angleterre faisant l’objet d’un foyer H5N1 appartient au leader incontesté de la production de volailles au Royaume-Uni, « Bernard Matthews Â». Cette firme agro-industrielle détient plusieurs exploitations dans l'ensemble du Norfolk, du Suffolk et du Lincolnshire. Elle est présente aussi bien au Royaume-Uni, mais également en Nouvelle Zélande, en Allemagne, en France, en Hongrie (sous l’intitulé de SAGA FOOD) et en Pologne.

 

  • En Hongrie, le secteur de l’élevage profite, depuis 1990, du développement des investissements étrangers. Ainsi 60% des éleveurs de volailles sont salariés de grandes firmes agro-industrielles et la filière de volailles de chair est assurée à plus de 40% des parts de marché par quatre opérateurs dont le groupe SAGA FOOD détenu par B. Matthews. Pour finir, ajoutons que la Hongrie est le deuxième pays producteur de volailles des 12 nouveaux pays Etats membres de la Communauté Européenne. Elle est ainsi le plus grand pays producteur de foie gras et produit 60% du foie gras d’oie mondial.

 


Rappelons que le commerce mondial de la volaille vivante concerne environ 750 millions de volatiles par an (d’après CITES) et s’exerce de façon journalière alors que la migration des oiseaux sauvages n’est que saisonnière...

 

6 février 2007