Grâce à son réseau « Oiseaux rupestres Â», la LPO Alsace peut dresser un état des lieux précis des populations de ces espèces qui nichent dans les parois rocheuses, parmi lesquelles des rapaces emblématiques (faucon pèlerin, hibou grand-duc). Les menaces qui pèsent sur elles sont de ce fait mieux identifiées, ce qui permet également de mettre en place des mesures de protection plus efficaces.

Une vingtaine de participants se sont ainsi retrouvés le 14 septembre à Rosenwiller pour faire le point. Au total, le réseau est constitué d’une cinquantaine de personnes, pour la plupart bénévoles de la LPO ou d’associations partenaires, ainsi que de quelques salariés d’associations naturalistes ou de structures gérant des milieux naturels, notamment les 2 parcs naturels régionaux.

Réunion du groupe "oiseaux rupestres" - Photo Jean-Marc BronnerLe travail considérable réalisé par ces bénévoles et salariés permet, par une présence régulière sur le terrain, de faire également le suivi des autres espèces rupestres : le grand corbeau, maintenant bien implanté dans notre région, et une espèce en cours d’expansion vers le nord, arrivée récemment chez nous, l’hirondelle des rochers. Hormis cette dernière, ces espèces ne se limitent plus aux sites vosgiens pour leur nidification : elles se sont également installées depuis quelques années en plaine, où elles utilisent divers supports pour y établir leurs nids (bâtiments, pylônes électriques, arbres…), et où leur progression est également suivie par le réseau d’observateurs.

 Des populations en évolution

La réunion a permis de dresser un état des lieux des populations actuelles :

• Faucon pèlerin - Photo David Hackelfaucon pèlerin : 80 couples sont recensés (plaine d’Alsace et massif vosgien dans son ensemble, y compris les parties lorraine et franc-comtoise) ; parmi ceux-ci, 50 à 60 couples sont présents en Alsace, dont une vingtaine en plaine ;  
• hibou grand-duc : 44 couples nicheurs (indices de nidification "possible", "probable" ou "certain") ont été recensés en 2018 en Alsace, et 10 en 2019 dans le département des Vosges ;
• grand corbeau : les effectifs de cette espèce, en constante progression, sont moins bien connus, car les cas de nidification sur des arbres, difficiles à trouver, semblent nombreux ;
• hirondelle de rochers : 3 à 4 colonies avec une dizaine de couples au total ont été recensées en 2019 dans le massif vosgien pour cette espèce d’apparition très récente dans notre région.

Le suivi régulier permet de mettre l’accent sur les évolutions des populations, à commencer par celles induites par la pression du grand-duc, super-prédateur, sur le pèlerin : c’est ainsi qu’actuellement, dans les Vosges moyennes, il y a plus de jeunes grands-ducs à l’envol que de pèlerins. Le suivi a également mis en évidence que, pour le grand-duc, à l’inverse des Vosges moyennes, le succès de reproduction est faible en plaine et dans les Hautes Vosges. Par voie de conséquence, on note maintenant plus de jeunes pèlerins dans la plaine environnante qu’en montagne. Par contre, les sites occupés par le pèlerin plus en altitude sont désertés dans certains secteurs, malgré la faible compétition avec le grand-duc, sans que la raison en soit connue.

Des dérangements en constante augmentation

Mais ces espèces ne sont pas soumises qu’à des facteurs naturels, tels les compétitions entre espèces : les menaces consécutives aux activités humaines ne faiblissent pas, bien au contraire. Celles liées aux dérangements induits par les loisirs de plein air sont les plus prégnantes (escalade, randonnée, trail, chasse photographique…). De nouvelles pratiques émergent, avec également leur lot de dérangements, déjà constatés sur certains sites (géocaching, survol des falaises par drone…). Sans parler de menaces plus anciennes, que l’on croyait révolues, mais qui peuvent refaire surface, telles les atteintes directes (destruction des pontes, empoisonnement…). La gestion des milieux peut également avoir des conséquences néfastes si elle n’est pas assortie de précautions (exploitation forestière, extraction de roches, restauration des châteaux-forts…).

La LPO Alsace vient de réaliser une exposition sur le faucon pèlerin

Les actions de protection toujours d’actualité

Face à toutes ces menaces, le statut de la plupart de ces espèces reste fragile, en témoigne le très mauvais succès reproducteur pour le pèlerin en 2019 : il y a eu, à titre d’exemple, seulement une dizaine de jeunes à l’envol dans les Vosges moyennes, contre un maximum de 27 en 2012 ; et, dans le département des Vosges, seulement 3 couples producteurs avec 8 jeunes à l’envol, pour 19 couples nicheurs.

Notre association reste donc très sollicitée pour essayer de remédier aux problèmes. De nombreuses actions ont été menées, ou sont en cours :

• Un grand-duc d'Europe - Photo Florian Girardinsites protégés (APPB, Natura 2000) ;
• pose de nichoirs pour les pèlerins, uniquement sur des sites où un couple déjà présent sur place ne trouve pas d’emplacement de nidification approprié ;
• rencontres avec les administrations concernées (DREAL, DDT) pour renforcer ou faire respecter les mesures de protection ;
• chartes avec les associations d’escalade et les parcs naturels (2 chartes en cours, 1 en projet) ;
• rencontres avec les associations de restauration des châteaux et les collectivités ; projet de livret ;
• rencontres avec l’ONF pour adapter les pratiques sylvicoles ;
• rencontres et conventions avec les exploitants de carrières ;
• documents pédagogiques : exposition sur le pèlerin, affiches pour les sites d’escalade…
• réflexions sur d’autres moyens d’actions (par ex, faut-il poser des aires artificielles en forêt pour le grand-duc, comme cela se fait en Pologne ? Les avis sont partagés pour l’instant).