La LPO confirme : la migration est bouleversée.

Il n’y a pas que les oies qui tardent à quitter les contrées du nord de l’Europe pour venir passer l’hiver sous nos contrées. Les oiseaux migrateurs au long cours – ceux qui hivernent en Afrique tropicale – semblent être particulièrement tardifs à partir cet automne. Et cette fois, la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) le confirme : la situation n’est pas normale !

De mémoire d’ornithologue, on n’avait jamais vu ça. En cette première semaine de décembre, le réseau des observateurs de la LPO et des autres associations signalent des hirondelles un peu partout en France, y compris jusqu’à Dunkerque (Nord). Si l’hirondelle rustique – dont quelques oiseaux hivernent à présent presque chaque année dans notre pays – forme le gros du contingent, on signale aussi quelques hirondelles de fenêtre, et même une hirondelle de rivage dans l’Aude, espèces plus sensibles au froid que leur cousine. Le plus incroyable est cette hirondelle rousseline (originaire du pourtour méditerranéen) observée le 30 novembre… en baie de Somme !

D’autres migrateurs au long cours sont encore signalés en ce moment même dans l’hexagone. Ainsi la rousserolle effarvatte, petit passereau des marais, qui part en août et septembre. Ou encore l’engoulevent d’Europe, aux mœurs nocturnes, et dont un individu a été signalé en Camargue.

Balbuzard pêcheur, milan noir, faucon hobereau, cigogne blanche, pluvier guignard, chevalier stagnatile, sternes pierregarin et arctique, sont autant de migrateurs au long cours – certains hivernants très loin vers l‘Afrique du Sud – qui ont été signalés récemment en migration.

Pour Philippe J. Dubois, en charge du programme « avifaune et changements climatiques » à la LPO, ce phénomène « est un indice de plus que nous sommes témoins de changements climatiques rapides, majeurs, auxquels sont confrontés les oiseaux et singulièrement les migrateurs ». Il ajoute que « la migration n’est pas une processus biologique irréversible. C’est une stratégie adaptative comportementale des espèces face à des modifications de l’environnement et en premier lieu, climatiques. Une espèce sédentaire peut devenir migratrice si les conditions de vie ne sont plus satisfaisantes. De même, un migrateur peut se sédentariser au fil du temps ».

Mais les choses semblent aller très vite à présent. C’est pourquoi la LPO s’interroge, comme la plupart des scientifiques, sur la capacité d’adaptation des oiseaux dans un laps de temps aussi court, puisque ces changements climatiques se font à une vitesse remarquable. Le scénario climatique hivernal comporte encore des incertitudes et nul ne sait quelle sera la bonne stratégie pour les oiseaux : partir ou rester ?

Pour les ornithologues la question n’est donc plus « y aura-t-il de la neige à Noël ? », mais bien plutôt « y aura-t-il des hirondelles à Noël ? ».

 


Allain Bougrain Dubourg
Président de la LPO France