Présentation de l’espèce
Le milan royal est le plus grand rapace diurne nicheur d'Alsace. Il est un peu plus grand que son cousin le milan noir et a une queue rousse échancrée caractéristique, facilement observable.
Rapace des milieux ouverts, le milan royal est opportuniste et très charognard ; il est lié à une agriculture extensive dominée par l’élevage traditionnel. Ce type de paysage que l'on rencontre encore en Alsace Bossue lui procure une nourriture abondante et variée ; la présence de parcelles cultivées lui est favorable, à condition que leur surface reste minoritaire par rapport aux herbages. Il niche dans les bois ou les haies pourvus de gros arbres. Les populations du nord de l'Europe (dont celles d'Alsace) sont migratrices. Les autres sont sédentaires.
Leur répartition géographique s'étend depuis l'Afrique du Nord jusqu'à la Russie. Mais l’espèce n'en demeure pas moins menacée au niveau mondial.
Statut juridique et liste rouge
Le milan royal est, comme tous les rapaces, protégé sur l’ensemble du territoire français par l'arrêté ministériel du 29 octobre 2009 (abrogation de l’arrêté ministériel modifié du 17 avril 1981). La protection de l’habitat est dorénavant prise en compte dans son article 3-II : « Sont interdites … la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée… ». Il figure en Annexe I de la Directive Oiseaux et en Annexe II de la Convention de Berne. Cette espèce est classée "En danger" sur la Liste Rouge des oiseaux nicheurs d'Alsace et "Vulnérable" sur la Liste Rouge française.
Evolution des effectifs
En France, l’aire de distribution de ce rapace se limite à une large bande diagonale du Sud-Ouest au Nord-Est du pays et à la Corse. Il y a entre 3000 et 3900 couples nicheurs (résultats de l'enquête nationale LPO sur les rapaces, 1999-2002). Le milan royal a, semble-t-il, considérablement diminué depuis le XIXème siècle, bien qu’une augmentation passagère ait eu lieu entre 1975 et 1990. Depuis 1990, la régression a repris.
Facteurs de menace
Au niveau français et européen, deux problèmes majeurs contribuent au déclin d’une partie de la population du milan royal : le changement d’utilisation des terres (intensification de l’agriculture) et l’empoisonnement, qu’il soit direct ou indirect. Face à la chute dramatique des effectifs du Nord-Est de la France, un plan national de restauration a été lancé en 2002.
Pour la population alsacienne, en plus des modifications des pratiques agricoles et de certaines pratiques d’empoisonnement volontaire (au moins 3 cas en 2015 dont 2 mortels) ou de tir sur les sites d'hivernage (hors Alsace), d’autres facteurs de menace pèsent sur le milan royal : dérangements sur les sites de reproduction et destruction involontaire des aires (travaux forestiers notamment), fermeture des décharges, augmentation du déficit en nourriture en période de nourrissage des jeunes en raison de la raréfaction des prairies conduisant à l’échec de la reproduction, création de parcs éoliens et nouvelle réglementation en matière d'hygiène des activités agro-pastorales.
Face à ces menaces, un Plan régional d’actions a été validé en 2012 par la DREAL Alsace et plusieurs mesures sont mises en œuvre depuis.
Etudes et protection
Plusieurs recensements ont eu lieu en Alsace dans les derniers bastions de l’espèce. En Alsace bossue, un quadrat-témoin de 50 km² a été suivi chaque printemps pendant 3 ans. En 2002, 5 à 6 couples nichaient dans cette zone, tandis qu'en 2004, il n'en restait qu'un seul.
Face à l'urgence de la situation, la LPO Alsace a réagi concrètement : deux formations destinées aux agents de l’ONF ont été réalisées en 2005 et 2006 afin de leur présenter l’espèce et montrer les techniques permettant de maintenir les zones favorables à la nidification de l'espèce dans les massifs gérés par l’ONF. Chaque aire occupée découverte est signalée aux agents de l'ONF qui protègent l'arbre porteur et les travaux pendant la période de reproduction sont interdits.
En 2012 , une attention toute particulière a été portée à un couple nichant à proximité d’un projet industriel potentiellement dangereux (en Alsace). Après les premières observations en 2011, la LPO a piloté un projet de suivi du couple pour l'année 2012, accepté et financé par l’industriel et en partenariat avec l'Institut de Recherche pour le Développement (François Baillon), le Centre National de la Recherche Scientifique (Damien Chevallier), le Parc Naturel Régional des Vosges du Nord et l'association la Grange aux Paysages.
L'objectif principal du suivi est d'évaluer la sensibilité du couple de milans royaux au futur projet industriel afin de pouvoir proposer, à terme, des mesures d'atténuation du risque ou des mesures compensatoires et de bénéficier d'un retour d'expérience pour l'aménagement d'autres projets de ce type.
Dans ce cadre, le milan royal mâle adulte et une femelle adulte qui occupaient le secteur ont été capturés et équipés d’une balise Argos GPS et d'un émetteur VHF. Ils ont été baptisés Don Quichotte et Dulcinée. En complément de l'étude portant sur la nidification des oiseaux, les équipements posés sur ces 2 adultes permettront également un suivi inédit de la migration et de l'hivernage d'un milan de cette population du nord-est de la France.
Depuis 2009, afin d'avoir une meilleure connaissance de l'espèce, un recensement des couples nicheurs dans les derniers bastions de l’espèce est réalisé : Alsace bossue, Jura alsacien, Sundgau et bordure est des Vosges du nord.
L'espèce pouvant disparaître de la région, plusieurs actions sont en cours ou à engager à l’avenir (ces actions sont détaillées dans le Plan régional d’actions) :
- une sensibilisation des populations concernées (agriculteurs, forestiers, chasseurs, scolaires...) est à réaliser
- la protection des sites de nidification par voie réglementaire (APB, ZPS*, protection des massifs forestiers...) et une modification des pratiques culturales (MAE**) sont aussi à réaliser
- une vigilance maintenue vis-Ă -vis des projets de parc Ă©olien pouvant nuire aux couples nicheurs
- le maintien du suivi de tous les sites de reproduction connus afin de connaître leur évolution.
Le milan royal pourrait ainsi devenir le symbole d'une campagne de promotion d'un système agricole qui reposerait sur des pratiques fondamentalement respectueuses de l'environnement, de l'homme et des animaux d'élevage, d'un tourisme vert et de la valorisation de produits locaux.
*APB : Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope / ZPS : Zone de Protection Spéciale
** MAE : Mesures agri-environnementales