Sur les quatre espèces d’hirondelles nichant en Alsace, deux sont répandues : l’hirondelle de fenêtre et l’hirondelle rustique. La troisième étant l’hirondelle de rivage, nettement plus rare et qui s’observe surtout aux abords des cours d’eau et des gravières ; la quatrième est l'hirondelle des rochers, dont le premier cas de nidification n'a été découvert qu'en 2019, et qui ne fréquente que les falaises rocheuses.
Présentation des deux espèces les plus communes
L’hirondelle de fenêtre est facilement reconnaissable à sa gorge, son ventre et son croupion blancs, contrastant avec le dessus du corps noir bleuté. Mâle et femelle ont un plumage identique. C’est une grande migratrice capable de parcourir jusqu’à 6000 km entre ses lieux de nidification et ses quartiers d’hivernage (Afrique australe). Elle est de retour en Alsace au début du mois d’avril et reste dans la région jusqu’en septembre (octobre). L’hirondelle de fenêtre fréquente les milieux ouverts ou semi-ouverts, de la plaine rhénane jusqu’aux Hautes-Vosges. Elle aime la proximité d’un cours d’eau ou d’une zone humide. Sa nourriture consiste en insectes qu’elle capture en vol, le bec grand ouvert. Elle construit son nid contre un bâtiment, aussi bien une vieille ferme à la campagne qu’un pavillon de banlieue.
Un peu plus grande, l’hirondelle rustique, reconnaissable notamment à sa gorge rousse, préfère la campagne et niche de préférence à l’intérieur des bâtiments, dans les villages : écuries, étables, remises, … Elle s’engouffre à 30 km/h à travers toute ouverture (vitre cassée, fente entre deux planches – un trou de 5 cm sur 7 peut lui suffire !) pour ravitailler ses oisillons au nid. Elles chasse les insectes au-dessus des plans d’eau, des pâturages, des prairies ou toute autre zone dégagée.
Elle revient en France, après son hivernage en Afrique tropicale, dès la fin mars autour de la Méditerranée, et à mi-avril dans l’est et le nord de la France.
Statut juridique et liste rouge
Les hirondelles de fenêtre et rustique font partie des espèces strictement protégées au regard de la loi du 10/7/1976. L’hirondelle rustique est en outre inscrite sur la Liste Rouge des oiseaux nicheurs d’Alsace («A surveiller»)
Effectifs
L’hirondelle de fenêtre a été recensée de façon complète dans un échantillon représentatif de communes de la région. Par extrapolation aux 930 communes d’Alsace, on obtient un effectif de 60 à 80 000 couples d’hirondelles de fenêtre. De la même façon, on compte entre 30 et 50 000 couples d’hirondelles rustiques (résultats probablement un peu sous-estimés dans ce cas). Les résultats complets de l’étude figurent dans le volume n° 26 (2002), fascicule 3, de la revue CICONIA .
Facteurs de menace
L’évolution du monde rural est de loin le sujet le plus préoccupant quant à l’avenir des hirondelles. La disparition de l’élevage traditionnel et des granges ou étables qui lui sont inhérents est particulièrement néfaste à l’hirondelle rustique. Les populations d’insectes ailés diminuent, tant dans leur diversité que dans leurs quantités, du fait du retournement des prés, de la suppression des haies et de l’emploi de pesticides qui diminuent le niveau d’abondance des insectes. Par ailleurs, l’ingestion d’insectes contaminés peut l’empoisonner. Une autre menace touche la fabrication des nids ou leur pérennité : les zones trop urbanisées ne permettent pas l’acheminement aisé de boue et de brindilles pour la construction.
Enfin, les hirondelles peuvent faire l’objet de destruction de la part de propriétaires d’immeubles ou de maisons, en raison des fientes qui salissent les façades près des nids. Ces destructions sont strictement prohibées par la loi (du fait du statut d’espèce protégée).
Etudes et protection
A la fin des années 90, un relevé effectué par le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris indiquait une baisse de 80% des effectifs d’hirondelles au niveau national dans les 20 dernières années. Forte de cette information, la LPO Alsace a désigné l’hirondelle de fenêtre «Oiseau de l’année» en 2000. Ces recensements sont menés à travers toute l’Alsace, selon des protocoles strictes de suivi. Ils sont ouverts par toute personne intéressée et volontaire. Outre leur intérêt scientifique, ces enquêtes ont aussi pour objectif de sensibiliser le public à la fragilité des espèces, à leur dépendance vis à vis de l’homme et de ses activités, puis d’initier des actions concrètes de protection, notamment en faveur des grandes colonies.
Concrètement, la LPO Alsace entreprend de nombreuses actions de protection :
- dans les Ă©coles, actions de sensibilisation aux hirondelles
- élaboration de fiches pratiques distribuées dans le cadre des Refuges LPO
- intervention auprès des personnes ou structures (syndics, communes, etc.) qui procèdent à la destruction des nids pour leur rappeler la loi et mettre en place des mesures compensatoires, via le pôle médiation faune sauvage.
- mise en place de nids artificiels et d'hĂ´tels Ă hirondelles
Nids artificiels et hĂ´tels Ă hirondelles de fenĂŞtre
Outre l’équipe salariée, via notamment le Pôle Médiation Faune Sauvage, des bénévoles s’attellent depuis des années à installer des nids artificiels, à travers l’ensemble de l’Alsace, voire à fabriquer eux-mêmes les nids. Châteaux d’eau, ponts, bâtiments communaux, écoles, façades d’immeubles, usine hydroélectrique, maisons particulières, places de village... les supports sur lesquels ont été posés les nids prennent toutes les formes. Au préalable, les échanges avec les propriétaires et les gestionnaires sont essentiels et la recherche de financeurs indispensable : les coûts de la location d’une nacelle ou de la fabrication d’un « hôtel à hirondelles » sont en effet élevés ! Pour sensibiliser le public à la fragilité des hirondelles, panneaux d’information et animations dans les écoles complètent parfois les actions de terrain.
Dans le Haut-Rhin, pas moins de 28 sites dans le Haut-Rhin, en moins de 10 ans, par un bénévole, aidé de quelques amis. Ce sont ainsi des centaines de nids qui ont été installés, tous fabriqués de ses mains.
D’autres bénévoles haut-rhinois s’investissent aussi très largement en faveur de l’espèce et continuent l’œuvre de François Kwast, le « père » des actions hirondelles à la LPO Alsace. Ils interviennent aussi pour seconder l’équipe du service Médiation Faune Sauvage, dans le cadre de mesures compensatoires.
Dans le Bas-Rhin, ce sont ces mesures compensatoires qui sont à l’origine de la grande majorité des nids artificiels posés. Dans ces cas, ils font écho aux nids naturels enlevés ou détruits. Interdites par la loi, car synonymes d’atteinte à l’habitat d’une espèce protégée, ces destructions doivent toutes faire l’objet de remplacement. Le pôle Médiation Faune Sauvage (avec l’appui de la DREAL) s’emploie pour faire respecter cette contrainte coûte que coûte, mais certaines initiatives témoignent d’un intérêt naturel pour la protection des oiseaux et des hirondelles en particulier. Quelques communes ont ainsi spontanément choisi d’équiper des bâtiments communaux avec des nids artificiels ou certains lieux avec un hôtel à hirondelles. Dans les 10 dernières années, une quinzaine de sites a ainsi été équipée dans le Bas-Rhin.