Les milieux naturels des bords du Rhin ont subi des transformations radicales par suite des aménagements qui se sont succédés en différentes étapes du milieu du XIXème siècle jusqu’en 1977 : travaux de rectification au XIXème siècle, puis de régularisation au début du XXème siècle et enfin, de canalisation dans la 2ème moitié du XXème siècle. La dynamique naturelle des milieux a été supprimée (disparition des îlots sablo-graveleux, importante réduction de surface des stades sylvicoles pionniers) et les écosystèmes du lit majeur se sont considérablement asséchés (suppression des inondations, abaissement du toit de la nappe, réduction de l’ampleur des battements de cette nappe). Il en a résulté une profonde transformation de l’avifaune rhénane : des espèces ont disparu (balbuzard pêcheur, sterne naine, guifette noire, etc.), d’autres se sont maintenues avec plus ou moins de succès (petit gravelot, sterne pierregarin, etc.) et d’autres enfin, qui connaissent une dynamique expansive actuellement en Europe, se sont installées (mouette rieuse, goéland leucophée, etc.).
Parmi les aménagements dont les répercussions ont été favorables aux oiseaux, il convient de citer la création des musoirs près de chaque ouvrage hydroélectrique (usines de production d’électricité et barrages). Ces langues de terrain sont constituées de matériaux grossiers (galets et graviers), elles sont implantées au milieu de l’eau et sont peu accessibles aux prédateurs terrestres. Elles consitutent de ce fait des sortes d’îles sablo-graveleuses artificielles. Elles ont rapidement été utilisées comme biotopes de substitution par plusieurs espèces nichant à l’origine sur les îlots naturels. Aujourd’hui, ces musoirs hydroélectriques représentent les principaux sites de nidification du petit gravelot, de la mouette rieuse, de la mouette mélanocéphale, du goéland leucophée et de la sterne pierregarin en Alsace. Ces colonies de laridés attirent par ailleurs diverses espèces d’anatidés (canard chipeau, canard colvert, fuligule morillon), qui s’y sentent en sécurité pour nicher. En hiver et lors des passages migratoires, les musoirs constituent également des reposoirs privilégiés pour une cohorte d’oiseaux d’eau (cormorans, hérons, canards de surface, foulques, laridés et plus rarement, oies).
Un impératif de gestion appropriée
Les contraintes d’exploitation industrielle des ouvrages hydro-électriques nécessitent un entretien régulier des musoirs et de leurs abords par EDF, afin de contenir le développement de la végétation ligneuse.
Jusqu’au milieu des années 1980, la solution retenue par cette entreprise consistait à effectuer des traitements chimiques. Ceux-ci détruisaient tant la végétation ligneuse qu’herbacée. La surface des musoirs demeurait ainsi totalement nue et les sites s’avéraient particulièrement favorables à la nidification d’espèces pionnières, tels que le petit gravelot et la sterne pierregarin. Toutefois, une prise de conscience d’EDF sur la pollution de l’environnement qui en résultait, même ponctuelle, et sur les destructions qui étaient parfois occasionnées aux colonies d’oiseaux (passage des véhicules à des dates inappropriées), ont conduit à rechercher d’autres solutions sous l’impulsion de la LPO Alsace.
Un simple broyage de la végétation fut la méthode alternative choisie. Le problème des dates d’intervention demeurait cependant entier et la colonisation progressive des musoirs par un tapis d’herbacées ne cessait d’inquiéter, car elle entraînait la désertion des sites par les deux espèces pionnières remarquables précitées.
Il devenait urgent de trouver une solution plus satisfaisante : la LPO Alsace a saisi EDF du problème et après une période de concertation, une convention entre les deux organismes a été signée.
Une convention exemplaire
La convention, signée en 2000 pour une période de trois ans, renouvelable ensuite par tacite reconduction d’année en année, prévoit un entretien différencié des musoirs, selon les espèces nicheuses qu’ils hébergent :
- sur les sites occupés par le petit gravelot et la sterne pierregarin, l’entretien doit consister en un griffage du sol avant l’installation des oiseaux, entre le 15 mars et le 1er avril, afin d’empêcher l’implantation trop massive des herbacées (doublé éventuellement d’un griffage en fin d’été selon le développement constaté des herbacées) ;
- sur les sites où nichent les mouettes et le goéland leucophée, l’entretien consiste en un broyage annuel de la végétation dépassant 5 à 10 cm, à effectuer une fois par an après le départ des oiseaux, entre le 15 août et le 15 novembre.
Cette convention, toujours en cours, a fait l’objet d’une actualisation en 2006, afin de permettre l'expérimentation d’autres modalités d’intervention en faveur du petit gravelot et de la sterne pierregarin (désherbage thermique, bâchage, etc.), qui seraient éventuellement plus efficaces.
Le partenariat avec EDF se traduit également par la réalisation de documents d’information sur l’avifaune du Rhin, à destination du grand public et des scolaires. Trois brochures intitulées « les oiseaux d’eau hivernants d’Alsace » (versions adulte et scolaire) et « les oiseaux des musoirs » ont été réalisées, et sont disponibles auprès de la LPO Alsace (contacter le siège, à Strasbourg). Une conférence de presse organisée le 30 juin 2006 à Strasbourg a permis de dresser le bilan de ces actions et de consolider le partenariat établi depuis plusieurs années entre EDF et la LPO Alsace, pour le plus grand bénéfice des oiseaux. Elle a été largement relayée par la presse régionale.