Suite à la découverte inédite d’un noyau de population de râle des genêts, oiseau nicheur quasiment disparu en Alsace, dans la région de Marmoutier (67), la LPO Alsace a initié un plan d’urgence pour préserver les individus et surtout contribuer au succès de leur nidification. Tous les acteurs concernés, à savoir les agriculteurs et leurs représentants, avec le concours de l’Etat, du Conseil Général et de la Chambre d'Agriculture, ont accepté de jouer le jeu. Une collaboration inédite et exemplaire en Alsace !
Dans le cadre de la prospection de la Chevêche d’Athena qui fait l'objet d’un suivi et de mesures de protection particulières, notamment dans l’arrière Kochersberg, Dominique Bersuder, responsable du groupe LPO s’Heckelà nd-Marmoutier, entend le 2 juin au crépuscule le chant de 2 râles des genêts, signe incontestable d’une probable reproduction. Par la suite, des investigations complémentaires avec l'aide d’autres bénévoles du groupe, mettent en évidence la présence de 13 chanteurs !
15 juillet : les agriculteurs opèrent une première fauche de leurs prairies - Photo Eric Brunissen
Ce regroupement inédit, qui témoigne vraisemblablement de la dispersion des populations de râles des genêts à partir de leurs zones de nidification traditionnelles (régions françaises et/ou pays limitrophes), inondées suite aux conditions météorologiques printanières particulièrement mauvaises, a déclenché des mesures exceptionnelles. L'espèce, qui niche au sol, principalement dans les cultures et les prairies, est en effet très rare en Alsace. Une fois les chanteurs précisément cartographiés, la LPO Alsace a pris contact avec les exploitants des parcelles concernées, grâce au concours de la Chambre d’Agriculture ainsi que du Conseil Général du Bas-Rhin qui suit le secteur dans le cadre d’un projet d’aménagement foncier ; 1/3 des parcelles occupées sont des cultures de céréales et 2/3 des prairies de fauche. L'objectif recherché : convaincre les exploitants de ne pas intervenir sur ces parcelles jusqu’à l’émancipation complète des jeunes.
Une collaboration exemplaire
L'équipe de la LPO travaille de concert avec les agriculteurs - Photo Frederic BourguignatAutant les conditions météorologiques pluvieuses de ce printemps ne permettent pas de récolter les céréales aussi tôt que les années précédentes et ne mettent donc pas en péril la nidification des couples localisés dans les cultures, autant la fauche des prairies avant le 15 juillet peut avoir des répercussions dramatiques sur les poussins, voire les adultes. Il devenait donc crucial que les exploitants de ces prairies reportent la première date de fauche au-delà de la mi-juillet.
Or un tel décalage peut être lourd de conséquence pour les éleveurs, qui recherchent un foin de qualité pour leurs bêtes, et plus particulièrement en cette année pluvieuse. Ils ont malgré tout compris les enjeux de préservation liés à la présence des râles et se sont montrés favorables à une action de protection. Les 4 exploitants concernés ont ainsi accepté d’attendre la mi-juillet pour faucher leurs prairies ; la DREAL (Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement), qui s’est saisie du dossier après avoir été alertée par la LPO et la Chambre d’Agriculture, leur a alloué une mesure d’indemnité d’urgence. Un agriculteur propriétaire d’une parcelle en bordure de l’aire de présence de l’espèce, a même accepté de ne pas faucher une bande de 10m de large, destinée à servir de refuge aux oiseaux.
Le lundi 15 juillet, après un travail de coordination orchestré dans un consensus mutuel, la fauche a eu lieu comme prévu : membres et salariés de la LPO (une douzaine au total) ont rejoint les agriculteurs pour leur prodiguer sur place les conseils sur les techniques de fauche adaptées à la protection de cette espèce (fauche centrifuge avec détourage préalable de la parcelle), et pour pouvoir intervenir en cas de présence éventuelle de très jeunes oiseaux éclos tardivement, ce qui n'a pas été le cas.
Cette collaboration exceptionnelle et exemplaire met en valeur le fait qu’une concertation réussie entre les différents acteurs concernés par une problématique de conservation est possible et permet la préservation effective d’une espèce.
En médaillon : râle des genêts - Photo Jean-Marc Bronner